Arbre de vie
Dans la prairie lumineuse et sèche se dresse un arbre, un vieil arbre. Il a toujours été là. Le plus éminent des batraciens le considère comme l’axe du monde. Son tronc d’une circonférence déjà impressionnante se dresse dans une verticalité stupéfiante. Il est bien difficile d’estimer sa hauteur. Ses branches, son feuillage flirtent avec les nuées. La colonie de grenouilles assoiffées s’est réfugiée au pied de ce géant. Elles perçoivent le murmure d’un autre monde, elles entendent des chants d’amour, des sources cristallines. Elles hument des parfums de vers gluants, de mouches écrasées.
La décision est prise : elles se lancent à la découverte de cet ailleurs si prometteur. C’est une joyeuse débandade .Elles bondissent pleines d’entrain. Mais elles déchantent bien vite. Je vous l’ai dit : la verticalité ! Bien difficile même pour des grenouilles aux pattes ventouses !!Une première grenouille abandonne, puis une deuxième et ainsi de suite. Elles attendent au pied de l’arbre déçues, épuisées. Elles regardent leurs compagnes qui persévèrent. Elles les encouragent…à revenir au plus vite sur la terre ferme de leurs ancêtres. « Vous n’y arriverez pas, c’est bien trop haut, écoutez nous…Soyez prudentes, la chute serait terrible…Autant dire mortelle…Ne prenez pas de risques, revenez ,ce n’est vraiment pas sérieux..Qu’elle inconscience !!..Nous devons rester groupées, solidaires et toutes agir dans le même sens.. »
Les unes après les autres, les grenouilles abandonnent : les yeux exorbités, les muscles tétanisés, la peau écorchée. Elles abandonnent toutes avec le sentiment d’avoir échappé à un grand malheur. Toutes ? Il en reste une, elle continue son ascension et elle disparaît bientôt dans le feuillage. « Elle a réussi ! » La colonie n’en revient pas . Cet exploit fait la une des journaux et déclenche de nombreuses jalousies.
Quelques jours plus tard la championne est de retour l’œil vif, la peau luisante, les fesses rebondies.
Aussitôt une grenouille s’approche d’elle, pour comprendre comment elle s’y est prise, comment elle a fait pour grimper et aussi pour savoir ce qu’il y a là haut : un monde nouveau sans doute…
La championne , elle était sourde et peut être bien muette aussi !
Elle est repartie le lendemain vivre et suivre son chemin….
Source inconnue.
Ecriture: Marie-France Bel